Gretel lit en chuchotant, comme si elle voulait exclure Lupesco. Puis, elle dit soudain plus fort, exprès pour qu’il entende:
– Tu sais pourquoi j’aime les contes, Tiwi?
– Parce que ça se passe dans la forêt, parce que ça fait voyager.
– Il y a le merveilleux, oui, ce qui fait rêver… On trouve des trésors au pied des arcs-en-ciel, on rencontre des héros beaux, forts, courageux, qui accomplissent des choses incroyables. Et puis, les fins sont roses.
– Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants…
– Et les morts ressuscitent…
– Et vivent pour toujours.
– Mais il y a aussi le côté sombre… la part noire, triste.
– Des princes dont on crève les yeux, des sorcières carbonisées, un père qui mange son fils en râgout, les demi-sœurs de Cendrillon dansant avec des ballerines de métal chauffées au rouge…
– Dans les contes, les méchants sont méchants et les bons sont bons. Dans la vie, c’est moins simple. Tout n’est pas noir ou blanc, tout est mélangé, emberlificoté, empêtré.
– Mais alors ça sert à quoi? Juste à faire peur?
– À croiser des gens différents, avec des comportements étranges, mais aussi, mais surtout à confronter les enfants avec les démons ordinaires. À leur faire regarder en face la folie, l’intolérance, l’oppression, le racisme, l’orgueil, la couardise. À apprivoiser la séparation, la maladie, la mort. Les contes aident à grandir. Entre nous soit dit, bien des adultes devraient en lire plus souvent…