À Gand le ciel est bas. La gare est plus animée que lors des autres visites de Catherine, les gens se bousculent sans lever la tête. Les imperméables noirs et gris se côtoient, pas une seule couleur joyeuse dans le troupeau qui avance par à-coups, tantôt se divise au gré des couloirs, tantôt s’arrête à la sortie devant le passage piéton. Oui, on dirait un troupeau. Elle, veste rouge brique et grand foulard à motifs orange, s’est arrêtée en haut de l’escalier surplombant le hall principal, fascinée par le gris de la foule.
Dans le tram, le conducteur bougon refuse de lui parler en français et lui rend la monnaie sans un regard. Lui aussi est habillé d’un uniforme sombre. Soudain, par la fenêtre grêlée de taches, une grande place pavée, le parvis d’une église. Des tentures blanches et jaunes flottent sur la façade de l’édifice, éclatantes contre la pierre anthracite. Catherine n’a aucune idée d’où elle se trouve, si elle est proche ou non de la maison de Jos, mais elle descend du tram, intriguée.
Il fait chaud, dans l’église, ça sent bon le pain et les bougies. Des pans de tissu clairs tendus le long des piliers apportent une luminosité qui vibre en contraste avec les vitraux sévères. Catherine s’avance vers la gauche en direction d’une statue sombre dressée au milieu d’un parterre de lumignons allumés. Le reflet des flammes danse sur le bois, et le saint inconnu sourit. Ses pieds luisent de toutes les mains qui l’ont touché en implorant son secours. Il en a sûrement aidé plus d’un.
À la gauche du saint, un cahier noirci de demandes et de remerciements est à la disposition des visiteurs. La plupart sont en flamand, donc incompréhensibles pour Catherine. N’est-ce pas indiscret, de toute manière, de lire le cahier? Elle saisit le crayon attaché à la tranche par une ficelle, tourne la page. Que devrait-elle lui demander? Ou plutôt, que veut-elle demander? Elle cherche, mais rien ne semble convenir. Finalement, elle écrit «Trouver la paix, accepter de ne pas connaître le passé de mes parents».