Les enquêtes de Sophie Lanzmann, écrites directement en ligne par Michel Diserens.
Chapitre XIII
Carine Rousselle fut bouleversée lorsque Sophie et Sarah lui apprirent la nouvelle. « Mais qu’est-ce que Karl a bien pu faire pour qu’on lui en veuille autant ? demanda-t-elle. » Elle dit être heureuse que d’une seule chose, qu’Éric Randin puisse être réhabilité. Même si elle avait accepté l’idée que son chef puisse être un criminel, elle avait toujours eu des doutes sur sa culpabilité.
– Le meurtrier court toujours… dit Carine.
– La police pense que la tentative de meurtre dans la grotte et ce qui s’est passé à l’hôpital pourraient être deux choses différentes.
– Deux meurtriers ? s’exclama Carine.
– Le commissaire n’écarte pas cette possibilité.
– Et toi ? Tu ne donnes pas l’impression d’y croire…
– J’aimerais que tu me confies à nouveau une enquête, dit Sophie.
– C’est du ressort de la police, maintenant. Tu ne crois pas ?
– Nous ne serons pas de trop à réfléchir sur cette affaire. Et j’ai quelques pistes à explorer, bluffa Sophie pour essayer de persuader son amie.
– Je vais en parler au comité de direction. Mais je sais déjà qu’ils préféreront attendre les résultats de l’enquête officielle. Ils ont trop peur des fuites et des interrogatoires à répétition. Je ne peux pas t’en dire plus pour l’instant, je suis désolée.
C’était non. Sophie le savait. Si elle voulait mettre la main sur le meurtrier qui se baladait impunément dans les rues de Genève, il lui faudrait le faire sans l’appui de Swiss Air Control. Une fois arrivée chez Sarah en milieu d’après-midi, elle prétexta devoir rendre visite à sa tante qui n’habitait pas loin et s’éclipsa un moment. Sarah était charmante et semblait lui vouer une amitié sincère, mais elle pouvait être l’assassin, tout comme les autres employés de Swiss Air Control. D’ailleurs, Sophie se devait de rester sur ses gardes et de maintenir son amie à distance. Elle prit sa voiture, parcourut à peine un kilomètre et trouva une place de parc près de la gare de Cornavin. Tout en marchant dans la rue sans véritable but, elle composa le numéro de portable de Mathieu.
– C’est Sophie…
– Salut ! Comment vas-tu ?
– Moi, bien. Karl Duschkewitz, lui, c’est autre chose…
– Il est… mort ?
– Oui. Peut-être même assassiné alors qu’il venait de sortir du coma.
– Merde, alors ! Tu avais raison.
– Mathieu, pourrais-tu pénétrer dans le système informatique de Swiss Air Control et rechercher des indices qui pourraient nous conduire au tueur… ou à la tueuse ?
– Je peux essayer. Autre chose ?
– Il n’est pas impossible que le présumé meurtre à l’hôpital n’ait aucun lien avec la tentative d’assassinat. Il avait suffisamment d’ennemis pour qu’une autre personne veuille profiter de son incapacité à se défendre en se débarrassant de lui. Fouille partout où tu peux.
– Je m’y mets tout de suite et je te tiens au courant d’ici demain.
Sophie profita de son escapade pour faire ce qu’elle avait annoncé à Sarah : elle alla embrasser sa tante et lui expliquer la raison de son retour à Genève.
– Sophie ! dit Charlotte, une fois qu’elle eut servi le thé dans son petit salon. J’ai peur pour toi…
– Tu ne devrais pas, ma tante. Je suis très prudente.
– Toi, prudente ! Sophie, tu sais aussi bien que moi que tu es une vraie tête brûlée…
– Peut-être bien, mais pour quelle raison voudrais-tu que le meurtrier s’en prenne à moi ?
– …
– Je te promets de faire attention, dit Sophie en serrant sa tante dans les bras.
Au bout d’une petite heure, elle quitta Charlotte et lui promit de revenir la trouver. Elle préférait demeurer chez Sarah pour l’instant. Cette fille était une source d’informations importante. Même si Sophie avait conscience de ne pas respecter l’éthique professionnelle de détective en sympathisant avec l’une des suspectes.
Une fois revenue chez son amie, Sophie, éreintée par le trajet Paris-Genève, déclina l’invitation à sortir entre filles que Sarah lui fit. Après le repas, Sophie accepta malgré tout d’aller prendre un verre dans un pub, au bas de l’immeuble. Sophie eut de la difficulté à trouver une boisson non alcoolisée, elle qui ne buvait que très rarement de l’alcool. Sarah en fit de même et décommanda sa bière pression. Elles parlèrent de leur vie respective, de la mort de Karl qui affectait Sarah et de leurs activités professionnelles respectives. Sophie, malgré ses espoirs d’apprendre grâce à Sarah de nouveaux éléments en rapport avec le meurtre présumé, n’eut pas l’impression d’avancer le moins du monde. Elle alla se coucher dans la chambre d’ami avec un sentiment d’impuissance.
Le lendemain, après une bonne nuit de sommeil, Sarah fit découvrir à Sophie des coins de Genève pittoresques. Elle y était née et connaissait des endroits épatants loin de la Genève internationale et touristique. Alors qu’elles flânaient dans une ambiance dominicale le long d’un petit pont du Rhône, Sophie reçut un appel de Mathieu. Elle fit quelques pas pour s’éloigner de Sarah.
– Impossible pour moi de pénétrer leurs défenses. Ils ont ajouté des sécurités et ont supprimé nos codes d’accès. Je vais encore essayer, mais les chances sont minces…
– Laisse tomber, Mathieu ! De toute façon, nous ne savons même pas ce que nous devons chercher…
– De ton côté, rien de neuf ?
– Sarah ne m’a pas appris grand-chose de nouveau. Et Swiss Air Control ne me confiera pas de nouveau mandat. Je pense que je vais rentrer lundi, comme prévu, et je me tiendrai au courant de l’enquête par le biais du commissaire Jolliet, dit Sophie d’un ton où transparaissait un certain découragement.