Si le soleil ne revenait pas, ce livre visionnaire de Charles Ferdinand Ramuz a été écrit en 1936 et obtenu le Prix Schiller, la plus haute prestigieuse récompense littéraire suisse la même année.
Nous avons la joie de vous en proposer une réédition avec une nouvelle mise en page et une préface inédite à l’occasion du centenaire de Plaisir de Lire .
Une histoire en résonance avec notre époque
Plus actuel que jamais, Si le soleil ne revenait pas se déroule dans le petit village de Saint-Martin d’En Haut, niché sur le versant nord de la montagne, où le soleil disparaît chaque hiver durant six mois. Or, cette année-là, le vieux guérisseur Anzévui annonce à Denis Revaz que selon les livres, le soleil ne reviendra plus. Ramuz aborde avec audace dans cet ouvrage des thèmes de portée universelle. Il retrace les trajectoires personnelles des villageois, qui plongés dans une éternelle obscurité se déchirent entre résignation et espoir, allant pour certains jusqu’à prendre en main leur destin, dans la quête de l’astre qui ne brillera peut-être plus jamais sur les toits de leurs maisons.
Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947) a publié ce roman en 1936. Il a étudié les Lettres à l’Université de Lausanne, où il a obtenu sa licence en 1901. Il s’installe à Paris en 1904 et commence la publication de ses premiers romans: Aline (1905), Jean-Luc persécuté (1909) ou La vie de Samuel Belet (1913). En 1914, il rentre en Suisse. Les années 1924 à 1930 marquent l’apogée de sa carrière d’écrivain. Repéré par l’éditeur parisien Bernard Grasset, ses ouvrages, L’amour du monde (1925) et La grande peur dans la montagne (1926) connaissent un grand succès. Il connait la consécration en 1936 avec Si le soleil ne revenait pas, couronné la même année du Prix Schiller.
Une préface inédite. Trois questions à son auteure Claudine Gaetzi.
Responsable de l’édition francophone de la revue Viceversa littérature, elle a signé la préface du livre. Elle nous explique la singulière modernité de ce roman de Ramuz.
Pourquoi Si le soleil ne revenait pas, écrit pourtant il y a presqu’un siècle, résonne-t-il d’une terrible actualité ?
Claudine Gaetzi : Ramuz est sensible à des changements de société qui sont irréversibles, et ce mouvement n’a cessé de se poursuivre, plus rapidement encore qu’à son époque, et sous d’autres formes que, par exemple, l’arrivée de l’électricité dans un village isolé. Par ailleurs, l’angoisse de fin du monde, d’Apocalypse, existe depuis très longtemps, mais aujourd’hui elle prend une dimension particulière car les effets de la surexploitation des ressources et de la destruction d’écosystèmes sont indéniablement inquiétants.
Que veut nous prouver Ramuz dans le texte ? Ne commande-t-il pas à la nécessité d’un indéfectible optimisme malgré tout ?
Claudine Gaetzi : Est-ce que Ramuz veut prouver quelque chose ? Au moment de la rédaction de son livre, des découvertes et des inventions rendaient effectivement la vie plus confortable. On en percevait aussi les aspects négatifs, mais on pouvait malgré tout être optimiste, alors qu’aujourd’hui c’est plus difficile de croire au progrès.
Si vous deviez retenir une seule phrase ou un passage de ce livre, que choisiriez-vous ?
Claudine Gaetzi : Je refuserais de le faire. Je veux garder le tout ! L’écriture de Ramuz offre tant de contrastes. Comment choisir entre ce dialogue :
– C’est pas ça.
– C’est quoi ?
– C’est le soleil.
– Le soleil ?
– Oui.
– Et qu’est-ce qui va lui arriver au soleil?
– Du pas tant bon, dit Revaz.
et cette description :
Et là il était arrivé devant ce qui, en temps ordinaire, était toute une vaste vue ouverte sur la vallée, toute une perspective de hautes montagnes, de pâturages, de forêts, de rochers, de névés, de glaciers solitaires avec le double versant des pentes qui se rejoignaient bien plus bas dans les profondeurs ; mais il n’en restait rien dans la perfection de la nuit, qui n’avait même plus de couleur, qui était seulement la négation de ce qui est, rien qu’une faible lueur, quelque chose comme une émanation ou une vague phosphorescence, par quoi il avait été encouragé quand même.
Claudine Gaetzi en 5 dates
1964: Naissance dans le canton de Neuchâtel.
1992: Diplôme de perfectionnement en sémiographie à l’ECAL à Lausanne, après des études à l’Académie Maximilien de Meuron à Neuchâtel et à l’Institut supérieur de peinture Van der Kelen-Logelain à Bruxelles.
2013: Le prix Ramuz de poésie lui est décerné au recueil Rien qui se dise (publié par les éditions Empreintes en 2014).
2014: Master ès Lettres en français moderne à l’Université de Lausanne.
2017: Devient rédactrice de la revue Viceversa littérature.
Une nouvelle mise en page par deux créateurs suisses
Une typographie en résonance avec la cathédrale de Lausanne, imaginée par Chris Gautschi
Hommage à Ramuz et son rapport à la nature et ses écrits humanistes, la mise en page est construite selon le « canon de division harmonieuse » de Villard de Honnecourt, maître d’œuvre du XIIIe siècle qui fut notamment présent sur le chantier de Notre-Dame de Lausanne. Cette méthode est utilisée en typographie pour obtenir les proportions des marges dans le cadre d’une mise en page. On retrouve cette même construction dans les plans des cathédrales, chefs-d’œuvre de lumière et de proportions dorées. Repenser le classique, mais dans une version contemporaine passe notamment par les choix typographiques. La police de caractères Times New Roman, souvent cliché, car standard vient contrebalancer l’Alpaga créée par la fonderie lausannoise Newglyph.
Chris Gautschi (1979) est un graphiste suisse diplômé de l’École d’Arts Appliqués de La Chaux-de-Fonds (CH). Basé à Lausanne, ses projets se sont orientés vers l’édition de beaux livres pour différentes institutions, mais aussi pour des musées et des indépendants pour qui il développe des supports de communication. Passionné de géométrie et d’architecture, son approche conceptuelle et le style graphique se sont affinés avec le temps et les inspirations sont passées du mode théorique au mode opératoire.
Une iconographie inspirée du disque solaire de Sandrine Pelletier
Les deux illustrations sont tirées de la série Black Sun de l’artiste-plasticienne Sandrine Pelletier, créée en 125 exemplaires différents pour la Société suisse de gravure (SSG). L’artiste-plasticienne lausannoise s’est inspirée de l’iconographie du disque solaire, objet symbolique dans la mythologie égyptienne. « Al kem » – « la terre noire de Dieu » donnera l’étymologie d’alchimie, procédé qui sera utilisé pour obtenir le contraste dans la matière de ces soleils de cuivre et laiton. Black Sun représente la fin d’un sicle et la naissance d’un autre. De la même manière que le soleil se couche et se lève chaque jour.
Sandrine Pelletier (1976) travaille entre Le Caire et Lausanne. Depuis près de 20 ans, son travail s’inspire de l’expression des énergies brutes (forces telluriques, inertie et pression, explosion et gravité). Chacune de ses productions s’appuie sur des références précises qui peuvent être des écrits spirituels liés à la question de la matière ou encore des faits divers à portée universelle. En 2020, elle a notamment eu le Grand Prix de la Fondation vaudoise pour la culture puis, en 2021, le Prix Buchet.
Une impression suisse
Courvoisier Gassmann, installée à Bienne, héritière d’un savoir-faire de plus de 200 ans a réalisé la fabrication de ce collector spécial centenaire Plaisir de Lire.