Le Maître des rêves – Extrait

Le Maître des rêves – Extrait

Le Maître des rêves – Extrait

Pendant longtemps, j’ai bravement assumé mon âge. Maintenant, c’est terminé. Plus question d’exhiber mon corps fané aux regards que j’imagine pleins de pitié ou de dégoût. Je viens donc nager tôt le matin, car j’aime le lac de Neuchâtel comme mon meilleur ami. Dès que la température le permet, je me plonge dans ses flots qui m’accueillent tels les bras d’un amant bienveillant. La sensualité de cette caresse liquide me rappelle ce que j’éprouvais, autrefois, auprès d’un homme.

À ces heures, je croise tout au plus un joggeur ou un cycliste. Personne dans le lac, à part les mouettes et les canards. J’adore nager avec eux. Dans l’eau, j’ai l’impression qu’ils me prennent pour l’une des leurs : ils ne s’envolent pas à mon approche. Si je suis vraiment seule, je nage jusqu’à l’extrémité d’un brise-vagues, retire mon maillot de bain, le coince entre deux blocs de pierres et me laisse porter par les vagues. J’ai alors l’impression de ne faire plus qu’un avec les éléments. Parfois, je me dis que c’est comme ça que j’aimerais mourir : me fondre dans ces flots amicaux et m’y dissoudre pour toujours…

Quand je suis assez matinale, je m’offre le spectacle du ciel encore rose sur lequel se découpe la silhouette des Alpes. Avec mes aquarelles, je tente de capter les couleurs du lever du soleil chaque jour différentes. En nageant, j’essaie aussi de m’imprégner de la perspective des montagnes vue du ras de l’eau, afin de les reproduire à la peinture.

Une fois rhabillée, je vais boire un café chez Renzo, qui tient la buvette de la plage. C’est un type sympa, capable de s’enflammer sur les mérites respectifs de la bérudge et de la damassine, de la taillaule et de la cuchaule, avec un accent italien dont la saveur est restée intacte après quarante ans de séjour en Suisse.

Comme beaucoup d’immigrés, il pensait venir quelques années, afin de s’acheter une maison au pays. Il a travaillé comme un fou en économisant chaque franc. Il l’a construite en grande partie lui-même en y passant toutes ses vacances. Quarante ans plus tard, il est toujours là et se rend compte qu’il ne rentrera probablement pas au pays.

– J’ai fait une connerie, me dit-il souvent d’un ton de regret. Mes deux filles sont mariées à des suisses. J’ai deux petits-enfants, le troisième est en route. Qu’est-ce que j’irais faire là-bas où tout le monde m’appelle « le Suisse ». Je ne me sens même plus chez moi dans mon propre village. Tu imagines ça, Claire ?

Et moi, j’imagine Tremonazzo, un village peuplé de vieux, quelque part dans la Basilicate, avec de jolies maisons construites par les émigrés, vides onze mois par an. J’essaie de le consoler.

– Au moins tu auras un endroit ensoleillé où passer l’hiver pendant ta retraite, alors que nous moisirons ici sous le brouillard.

– Ouais, ça ira tant que j’aurai la santé pour faire le voyage. Il y a quand même quinze heures de route et je n’ai plus vingt ans.

– Tu prendras l’avion.

Je le dis sans conviction, sachant que rien ne réparera son déchirement. Il restera ici auprès de ses enfants et ne se résoudra pas à se séparer de cette maison qui demeurera vide. À sa mort, ses filles la vendront, préférant passer leurs vacances à Rimini ou aux Baléares. Tout le monde le sait, personne ne le dit, peut-être dans l’espoir que le silence empêche l’inévitable.

Même s’il me parle trop souvent de sa maison, j’aime bien Renzo. De plus, ses glaces sont les meilleures de la ville. Il m’a aussi beaucoup touchée le jour où j’étais revenue à la plage, après une semaine d’absence. Il m’avait accueillie furieux.

– M’enfin, Claire, t’étais où ? Je me suis fait un sang d’encre pour toi.

– J’ai été malade. Rien de grave. Juste un refroidissement.

– Juste un refroidissement ! Tu parles ! À ton âge, on ne sait jamais comment ça peut tourner. Tu vis seule. Y a au moins quelqu’un qui peut t’apporter à manger ?

– Oui, ne t’inquiète pas. Ma voisine Giulia a la clé de mon appartement. Ma copine Gaby aussi.

– Celles qui viennent de temps en temps boire le café avec toi ? Elles sont encore plus âgées que toi ! Et s’il leur arrive quelque chose à elles ? Hein ? Qu’est-ce que tu fais ? Tu vas me donner ton numéro de portable et prendre le mien. Tu m’appelles en cas de pépin. Tu me refais plus un coup pareil, OK ?

– C’est promis Renzo, merci.

J’avais été vraiment émue de son inquiétude. Je vivais seule depuis plus de trente ans. Je n’avais pas de famille, seulement des amis, plus ou moins proches.

À côté du plaisir de nager et du café de Renzo, j’adore la plage de Neuchâtel pour son ambiance et le mélange de populations qui s’y côtoient, surtout en été. Sur la pelouse, loin de l’eau, on trouve plutôt les amoureux, les bandes de copains qui jouent au frisbee et des immigrés de toutes provenances, seuls ou en groupes. C’est aussi sur l’herbe qu’on tombe sur les artistes : gratteurs de guitare, jongleurs, break-dancers, adeptes de diabolo ou de djembé.

Près de l’eau, sur la plage de galets, on voit plutôt les nageurs, les jeunes familles ou encore les touristes. Entre la plage et la pelouse passe un chemin où circulent les promeneurs, les parents avec poussettes et des enfants en patins à roulettes.

J’ai remarqué qu’il n’y a pas de vieux sur la plage. Sans doute qu’ils sont comme moi, complexés par leurs chairs plissées. La plupart de ceux qu’on voit restent un peu en retrait, sagement assis sur les bancs installés le long du chemin, dûment habillés.

Ce que j’adore par-dessus tout, ce sont les joueurs de beach-volley. J’installe mon fauteuil pliant au bord de leur terrain et je mate. Je ne me lasse pas de regarder ces jeunes gens sportifs et bronzés courir, sauter et parfois se jeter dans le sable en éclatant de rire. Au début, je prenais un tricot pour me donner une contenance. Un jour, un joueur m’a fait remarquer en rigolant que mon ouvrage n’avançait pas, ce qui était l’exacte vérité. Alors, j’ai changé d’activité. Maintenant, je les dessine. Je tente de capter leurs mouvements au fusain, comme j’essaie de cueillir la couleur du lac avec mes aquarelles. J’ai fait des photocopies couleur de mes peintures lacustres et les utilise comme fond pour dessiner les joueurs de beach-volley. Je ne figure parfois que le haut de leur corps, ce qui leur donne l’air de sortir de l’eau, tels des créatures mythiques.

Avec mes croquis, j’ai grimpé dans leur estime. Je suis passée du statut de mémé-tricot à celui d’artiste. Avant de m’installer, je leur demande toujours poliment la permission de les dessiner. À la fin de leur partie, ils viennent voir le résultat.

– C’est moi, m’dame ? Vous m’avez fait le nez trop pointu ! Et là, c’est Elodie ? Vous lui avez dessiné des épaules d’haltérophile !

J’explique que mon intention est de capter les mouvements et non les traits du visage. Elodie s’approche, se penche sur mon croquis et confirme. Je la regarde. Effectivement, j’ai exagéré la rondeur de ses épaules. Je rectifie le trait.

– Comme ça, c’est mieux ?

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Ce jour-là, je m’installai comme d’habitude au bord du terrain. Elodie s’approcha de moi.

– Bonjour m’dame, je pourrais vous demander un service ?

– Bien sûr.

– Aujourd’hui, on organise un tournoi. C’est Julien qui doit enregistrer les participants. Il vient de m’envoyer un SMS pour me dire qu’il est coincé dans un bouchon et ne sait pas quand il pourra arriver. Ça vous embêterait de le remplacer ?

– Pas du tout. Qu’est-ce que je dois faire ?

– Vous installer à la table là-bas sous le panneau « Accueil ». Il y a les listings des inscrits avec les numéros des terrains sur lesquels ils doivent jouer. Au fur et à mesure des arrivées, vous cochez les noms et vous leur indiquez leur terrain.

– Ça ne m’a pas l’air compliqué. Je devrais y arriver.

– Sûr.

Je m’assis à l’endroit indiqué et commençai mon travail. Un groupe de jeunes s’approcha de moi.

– Bonjour, Kozlowski Ceslaw.

– C’est bon. Terrain 5.

– Pendant que vous êtes à la lettre K, moi, c’est Kohl Manfred. Nous jouons ensemble.

– OK. Terrain 5 aussi.

– Lopez Fernando. Je joue avec Nils Sörensen.

– Terrain 2. Vous êtes une équipe très internationale.

– Que voulez-vous, c’est la mondialisation. Moi, c’est Raitonen Matti. Je joue avec Matthieu Cordier.

– Terrain 1. Tiens, tout de même un nom local.

– Raté, je suis étranger, moi aussi, a rigolé l’intéressé avec un accent provençal. Je viens d’Avignon.

– J’ai connu un Joël Cordier quand j’étais jeune. Ça vous dit quelque chose ?

– Un peu ! C’est le nom de mon grand-père. Tenez, il discute là-bas avec notre entraîneur. Vous le reconnaissez ? Vous vous appelez comment ?

– Claire Mercier.

– Je vais lui dire de passer à l’accueil. Vous verrez bien si c’est le bon Joël ou non.

– Merci et bon match.

Je pris une profonde inspiration. Joël Cordier ! Un amour de jeunesse inavoué. J’étais si timide à l’époque ! D’un seul regard, les garçons me faisaient trembler de la tête aux pieds. Leur parler ne se faisait d’ailleurs pas. Joël aussi était plutôt réservé. Nous habitions le même quartier et avions un bout de chemin commun pour nous rendre dans nos lycées respectifs. Nous nous saluions et cheminions chacun de notre côté de la rue, lui à gauche et moi à droite. Nos regards se croisaient parfois. Nous détournions alors immédiatement les yeux en rougissant.

Engagés l’un et l’autre dans le scoutisme, nous appartenions à des groupes différents et ne nous étions plus recroisés après le lycée. Nous nous étions ensuite revus quelques années plus tard, lors d’un rassemblement européen de scouts, organisé à Cassis. Surpris de nous revoir si loin de notre ville natale et ravis de retrouver une connaissance au milieu de cette réunion cosmopolite, nous avions beaucoup discuté. Il m’avait plu. Puis nous étions rentrés en Suisse en nous promettant de nous revoir, ce que nous n’avions jamais fait. Je m’étais mariée peu après. Un mariage qui avait mal tourné. J’avais souvent repensé à Joël en me disant que si j’avais été libre à Cassis, c’est peut-être lui que j’aurais épousé…

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Je regardai un homme âgé s’avancer vers l’accueil. De taille moyenne, plutôt trapu, des cheveux et une barbe blanche, un t-shirt rayé et des jeans. « Une dégaine de vieux loup de mer, il ne lui manque plus que la pipe et le ciré. Plutôt bien conservé » pensai-je. Je n’aurais toutefois jamais reconnu le jeune homme à l’indomptable tignasse brune, au regard d’émeraude et au sourire rêveur d’il y a cinquante ans. Alors qu’il approchait, j’accrochai mes yeux aux siens. La seule chose que je reconnaîtrais avec certitude dans son visage était le vert si particulier de ses iris. Il avançait d’un pas vaguement hésitant. Je devinais qu’il me scrutait, lui aussi, cherchant sans doute des restes de l’étudiante idéaliste dans mon visage ridé. Quand il fut assez près pour que je reconnaisse la couleur de ses yeux, je souris et lui adressai un petit geste de la main.

– Salut Jo, quel incroyable hasard !

– Claire, c’est bien toi ? demanda-t-il en continuant à me dévisager.

Je ne savais pas comment le saluer. À l’époque, on ne se faisait pas la bise. Toutefois, les mœurs ayant évolué, lui serrer la main me paraissait trop formel. Je me levai et l’embrassai sur les deux joues.

– Tu ne m’aurais pas reconnue, hein ?

– Non, avoua-t-il.

– Après cinquante ans, tu as une excuse.

– Et toi, tu m’aurais reconnu ?

– Peut-être, mais uniquement grâce à tes yeux. Leur couleur est vraiment unique.

– Pendant des années, j’ai porté des verres de contact colorés pour leur donner une couleur plus banale. Je n’aimais pas passer pour un extraterrestre. Ensuite, j’ai développé une intolérance aux lentilles. Je ne peux presque plus les porter. Me voilà de nouveau obligé d’assumer cette drôle de couleur. Ça me fait plaisir de te revoir. Tu as le temps de boire un verre ?

– Quand j’aurai fini mon travail. Installe-toi à la terrasse de la buvette. Je te rejoindrai dès que j’aurai terminé. Alors qu’il s’éloignait, je le suivis du regard. « Joël ! Il ne m’a pas oubliée. Il est content de me revoir et il m’invite à boire un verre… » pensai-je avec ravissement. Puis l’instant d’après : « Qu’allons-nous nous dire, à part des banalités ? Comment renouer le lien rompu ? » Y avait-il quelque chose à renouer ? En avais-je envie ? Je pouvais prédire très précisément à quoi ressemblerait notre conversation après une si longue séparation : « Qu’est-ce que tu deviens ? » « Ben, tu vois, je suis à la retraite. Et toi ? » « Moi aussi. » « Tu te rappelles d’untel ? » « Oui. Qu’est-ce qu’il devient ? » « Il est décédé. » « Ah, bon ? Je ne l’ai pas su. » « Et untel, tu es resté en contact avec lui ? » « Oui. Il souffre d’Alzheimer, il est dans un home. Il ne reconnaît plus personne. » « Quelle sale maladie, un type si sympa. » Une fois qu’on a fait le tour des connaissances communes, on ne sait plus trop quoi se dire. On termine en échangeant ses coordonnées et un rituel « Ça m’a fait plaisir de te revoir. On s’appelle. » Tout en sachant qu’on ne le fera pas.

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Ça n’avait pas manqué. Après les habituels « Qu’est-ce que tu deviens ? » et le tour des connaissances communes, la conversation s’était enlisée. Plus aucune trace de l’étudiant engagé qui voulait changer le système. J’avais en face de moi un gentil grand-père qui jouait aux échecs, surveillait son taux de cholestérol et accompagnait son petit-fils à ses tournois. Prétextant un rendez-vous, je mis fin à la conversation avant que la situation ne devienne trop gênante.

– C’était sympa de te revoir, m’a dit Joël. Si tu passes à Genève, viens boire un verre à la maison. Ça me fera plaisir. Nous avons échangé nos adresses électroniques, nos numéros de portable et nous sommes fait la bise. Je me suis éloignée sans me retourner. Je regrettais déjà d’avoir accepté ce verre. Avoir revu Joël devenu grand-père me volait le souvenir du jeune homme enflammé qui m’avait tellement plu. « Du café froid », voilà le goût que me laissait cette conversation. Une chose était sûre, je ne le rappellerais pas.

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Mon portable bipa. Je lus le message : « On dîne ensemble à la crêperie du château à Yverdon samedi prochain ?  Amitiés, Joël. » Mon premier réflexe a été de décliner l’invitation. Qu’est-ce qu’il me voulait ? Quand on boit un verre, on peut partir n’importe quand. Lorsqu’on mange ensemble, il faut au moins terminer le repas et donc tenir la conversation pendant au minimum une heure et demie. Cet objectif me paraissait totalement inaccessible. Je décidai toutefois de ne pas répondre immédiatement et descendis à la plage. Après ma baignade, je pris un café chez Renzo.

– M’enfin Claire ! bien sûr que tu vas accepter cette invitation ! Tu me dis que ton copain est du genre timide. Tu imagines l’effort qu’il a fait pour t’envoyer ce SMS ? Faut pas te sentir obligée de meubler la conversation tout le temps. Il a peut-être juste envie d’être avec toi. Si tu refuses, tu risques de le vexer. Au pire, tu t’embêtes pendant deux heures, au mieux, tu trouves l’homme de ta vie. À ta place, je n’hésiterais pas une seconde.

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À ma grande surprise, Matthieu m’attendait sur le quai de la gare d’Yverdon.

– C’est gentil d’être venu me chercher, mais il ne fallait pas vous donner cette peine. J’aurais réussi à trouver cette crêperie toute seule.

– C’est exactement ce que j’ai dit à pépé pour l’empêcher de venir vous attendre. Je voulais juste vous dire deux trucs. Premièrement, il avait l’air super content de vous avoir revue. Ensuite, il a trouvé quelque chose dans les affaires de sa mère qui vient de mourir et dont il voudrait vous parler. Il ne m’a pas dit de quoi il s’agissait, mais ça avait l’air important. Ne le laissez pas filer avant qu’il ait craché le morceau. Je sais comment il est : champion pour la théorie, nul pour la pratique. Il me donne plein de conseils pour que je garde mes copines plus d’une semaine, genre : « Les filles aiment la tendresse, se sentir écoutées, comprises… » Par contre, lui, quand il rencontre une femme, il n’arrive pas à lui parler d’autre chose que de la pluie et du beau temps, ce qui la passionne en général assez peu. Pourtant, vous savez, il vaut le détour : super gentil, intelligent, cultivé… quand il se décoince un peu.

Je souris.

– C’est quoi votre but au juste ? Jouer les entremetteurs ?

Matthieu se troubla.

– Non, c’est juste qu’il est capable de vous parler de la météo pendant tout le repas et de vous laisser partir avant de vous avoir parlé de ce qui lui tenait à cœur. Ensuite, il se rendra compte qu’il vous a cassé les pieds avec son baratin sans intérêt, il s’en voudra et n’osera plus vous recontacter. Il restera frustré de ne pas avoir réussi à vous parler de ce qu’il a trouvé dans les affaires de sa mère. Alors, s’il n’est pas capable d’aborder le sujet, j’aimerais que vous ameniez habilement la conversation dessus.

– Je vois. C’est assez original qu’un petit-fils s’occupe pareillement de son grand-père. Vous êtes très proches, on dirait.

– Ouais. Ça fait bientôt deux ans que j’habite chez lui. C’est un type bien.

– Il doit être content d’avoir de la compagnie. Il m’a dit qu’il était veuf.

– Ouais. Il a eu beaucoup de peine à se remettre de la mort de Garance. Je crois que je l’ai aidé à remonter la pente. De mon côté, ça vous paraîtra idiot, mais j’aime bien habiter avec lui. Il me donne ce que je n’ai jamais reçu de mes parents.

– Ah bon, qu’est-ce que c’est ?

– Du temps, bêtement. Le matin quand je me lève, il est là, simplement, avec du café chaud sur la table. Il s’intéresse à la musique que j’écoute, à mes études, à mes copains, à ma vie, quoi. C’est la première fois que j’ai l’impression de compter pour quelqu’un. Mes parents ont toujours bossé comme des dingues pour payer la maison, la voiture, la télé, les vacances et maintenant nos études, à ma sœur et à moi. Ils étaient tout le temps débordés : pas le temps de jouer avec nous, pas le temps de nous aider à faire nos devoirs, pas le temps d’écouter nos problèmes. Alors bon, même s’ils disaient se crever au boulot pour nous, on avait un peu l’impression d’être de trop. Pépé, au contraire, a l’air tout content d’avoir quelqu’un à qui consacrer du temps. En plus, il sait ne pas s’incruster. Quand j’invite des potes, il remplit le frigo de bières et s’installe dans sa chambre pour nous laisser le salon. Des fois, on l’invite à boire une bière avec nous. Il est vraiment cool. Il s’intéresse sincèrement à nos préoccupations. Parfois, il nous explique une subtilité sur la politique ou l’histoire, mais il n’en profite jamais pour monopoliser le crachoir et s’écouter parler, comme mon autre grand-père. Enfin… je ne sais pas pourquoi je vous raconte tout ça. Je vais arriver en retard à mon match.

– Pour me donner envie de rechercher le type bien derrière le mec coincé, peut-être ?

– Ouais, sûrement. Bon, je vous laisse trouver la crêperie comme une grande. Vous ne direz pas à pépé que je vous ai parlé, hein ?

– Promis. Bon match.

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Contrairement à ce que m’avait prédit Matthieu, Joël ne m’entretint de la météo et de l’histoire du château d’Yverdon que pendant l’apéritif. Ensuite, sans doute désinhibé par le kir, il me demanda :

– Tu te souviens de la soirée que nous avons passée à Marseille en rentrant de Cassis ?

Mon sang ne fit qu’un tour. S’il y avait une soirée à laquelle j’avais pensé et repensé à d’innombrables reprises, c’était bien celle-là. Le dernier train de la journée quittait Cassis à 19h02 et arrivait à Marseille à 19h38. Le train de nuit que Joël et moi devions prendre pour rentrer en Suisse ne partait qu’à 23h53. Nous avions commencé par manger des côtelettes d’agneau dans l’un des restaurants du quartier du Panier, accompagnées d’une bouteille de Côtes du Rhône. Le vin nous avait un peu grisés et nous nous étions laissés aller à quelques confidences. Après une balade sur le Vieux-Port, nous étions montés à Notre-Dame de la Garde admirer la ville de nuit.

En reprenant le chemin de la gare, Joël m’avait demandé si j’avais envie d’un joint. J’en avais eu le souffle coupé. Qu’un garçon aussi convenable m’incite à consommer de la drogue ! Je n’avais toutefois pas osé refuser, ni montrer combien j’étais choquée. Mon acquiescement avait cependant dû manquer de conviction, étant donné que Joël s’était cru obligé d’ajouter :

– Ne t’inquiète pas. Ça détend, c’est tout. On ne devient pas accro la première fois.

Nous avions trouvé un endroit discret dans un petit square sous un saule pleureur. Quand nous nous passions le joint, nos doigts s’effleuraient et nous nous souriions. Sans doute que l’alcool et le cannabis avaient avivé ma sensibilité. J’ai l’impression de ne plus jamais avoir ressenti une émotion aussi intense que ce soir-là, ni éprouvé un plaisir aussi subtil que ce frôlement de nos doigts. J’aurais aimé y passer la nuit.

À 23h35, Joël avait regardé sa montre et dit qu’il était l’heure d’aller prendre le train. Nous nous étions endormis sagement chacun sur notre couchette. Le lendemain matin, nous nous quittions sur une poignée de main avec la promesse de nous revoir. Promesse non tenue.

Je répondis :

– Bien sûr que je m’en souviens.

– Tu te rappelles que nous avons évoqué l’origine commune de nos mères.

– Oui. Nous avions été très étonnés que nos mères soient toutes les deux originaires du Kertashan, un pays minuscule perdu au fin fond du Caucase. Nous avions rigolé à l’idée que nous étions peut-être cousins.

– Tu sais le kertash ?

– Oui. Pas toi ? Ma mère me le parlait quand j’étais petite.

– Pas la mienne. Elle m’a toujours parlé français. Tu le lis aussi ?

– Oui. C’est une écriture proche du géorgien. J’ai surtout lu des livres pour enfants. je n’ai pas beaucoup entretenu cette langue qui ne me sert à rien, d’autant plus que j’ai eu une relation difficile avec ma mère.

Joël posa un carnet sur la table.

– Est-ce que tu peux me dire si c’est écrit en kertash ?

J’ouvris le carnet et commençai à lire à haute voix : « Mardi 5 juillet 1938. Cher Carnet, désormais, tu es mon seul confident. Je n’ai plus ni famille, ni amis. Je quitte Djarbali, mon village, pour toujours. Je m’appelle Makala Iltaïr. Il paraît que je suis la plus belle fille de mon clan, mais ma beauté… »

Joël m’arracha le carnet des mains.

– Eh ! Qu’est-ce qu’il te prend ? M’écriai-je surprise.

– Je t’ai demandé si cette écriture était du kertash. Je ne t’ai pas demandé de lire le texte.

– Oh, pardon ! Bon, eh bien pour ton info, oui ce texte est écrit en kertash. On dirait un journal intime. Où l’as-tu trouvé, si ce n’est pas indiscret ?

– Dans les affaires de ma mère qui est décédée le mois passé.

– Désolée. Toutes mes condoléances.

– Merci. C’est toujours dur de perdre un proche. Dans son cas, je crois que c’était une délivrance. Elle vivait dans un home, était pratiquement aveugle et percluse de rhumatismes.

– C’est exceptionnel de garder sa mère aussi longtemps.

– Elle m’a eu très jeune et est morte très âgée.

– Pourquoi m’as-tu montré son journal intime ?

– Je ne savais pas que c’était un journal intime jusqu’à il y a trente secondes. D’ailleurs, je ne suis même pas sûr qu’il s’agisse du sien. Ma mère s’appelait Marie, pas Makala.

– Elle a dû franciser son nom en arrivant en Suisse. C’est ce qu’a fait ma mère. Elle s’appelait Ila. À force d’entendre les gens lui dire : « Comment ? Ila ? Tu veux dire Isa ? », elle s’est spontanément présentée sous le nom d’Isa pour avoir la paix. Quand elle s’est mariée, l’officier d’état civil lui a dit ne pas pouvoir enregistrer les diminutifs. Ila Keltouan est devenue Isabelle Mercier.

Joël hocha la tête.

– Alors, possible qu’il s’agisse de son journal intime.

– Que veux-tu en faire ?

– Je ne sais pas. Un journal, c’est forcément très privé. Le lire représenterait une intrusion dans l’intimité de ma mère. Je ne m’en sens pas le droit.

– À mon avis, elle voulait justement que tu le lises.

– Pour ça, elle aurait dû l’écrire en français.

– Elle ne l’avait pas encore appris quand elle l’a commencé. De plus si elle a, comme ma mère, appris le français uniquement par audition, elle devait très mal l’écrire.

– Admettons. Et alors ?

– Ta mère vivait dans un home, où elle n’avait pu prendre qu’un nombre limité d’affaires personnelles. On peut imaginer qu’elle ait gardé ce journal parce qu’elle y tenait et qu’il lui rappelait sa jeunesse. Toutefois à la fin, elle est devenue aveugle et ne pouvait plus le relire. Si elle n’avait pas voulu que tu mettes la main dessus, elle l’aurait détruit. Elle était rhumatisante mais pas sénile, n’est-ce pas ?

– Non, pas du tout. Elle avait toute sa tête. D’ailleurs, elle a même demandé au personnel du home de me donner ses carnets en mains propres.

– Ça confirme mon hypothèse que ta mère, qui a sans doute fait de la suradaptation toute sa vie, a justement souhaité te transmettre tes racines.

– De la suradaptation ?

– Elle ne t’a jamais parlé sa langue et t’a caché son vrai prénom. Elle a cherché à effacer toutes les traces de son origine et à s’assimiler totalement à son pays d’accueil. D’ailleurs, à Marseille, tu m’avais dit avoir appris son origine par hasard, un jour où tu avais demandé pourquoi tu ne voyais jamais tes grands-parents maternels. Elle t’avait répondu qu’ils habitaient un pays lointain. Toi, tu avais demandé à ton instituteur de te montrer sur la carte où il se trouvait. Tu allais donc déjà à l’école quand tu as appris d’où venait ta mère.

Joël passa la main dans sa barbe d’un air perplexe.

– Effectivement, elle ne parlait presque jamais de son pays. Et moi, je ne posais pas de questions.

– Maintenant que tu sais ce que contient ce carnet, réfléchis tranquillement à ce que tu veux en faire. Si tu décides d’en prendre connaissance, je suis à ta disposition pour le traduire.

– OK, merci. Et si tu me parlais de ta mère et de la façon dont elle t’a transmis sa culture ?

– Ma mère venait d’une famille riche de la vallée de Kertamar, une plaine fertile du sud du Kertashan, où mes grands-parents possédaient un immense domaine agricole. Elle a été élevée dans l’aisance et choyée comme une princesse. Elle a très tôt montré d’excellentes aptitudes musicales, que mes grands-parents ont encouragées. Elle est devenue une violoniste virtuose. Le Kertashan n’ayant pas de formation musicale de son niveau, elle a intégré l’orchestre symphonique de Tbilissi, où elle est devenue une diva. Malgré son statut, elle détestait cet orchestre, la suspicion et la peur des arrestations qui y régnaient, comme dans le reste de l’URSS. Elle a alors décidé de passer à l’Ouest.

– Pourquoi est-ce qu’elle n’est pas simplement rentrée chez elle ?

– Tout le monde aurait considéré son retour comme un échec. De plus, l’attitude du Kertashan vis-à-vis de l’URSS a toujours été l’extrême prudence. Le gouvernement kertash évitait soigneusement de froisser son encombrant voisin. Les espions de la Tcheka s’y promenaient en toute impunité. Si quelqu’un s’était avisé de présenter la démission de ma mère comme un signe de défiance envers le régime soviétique, elle aurait pu être arrêtée au Kertashan, sans que ses autorités ne lèvent le petit doigt. Elle a profité d’un concert à Genève pour s’enfuir.

– Les orchestres de l’Est en tournée en Occident étaient étroitement surveillés. Comment a-t-elle réussi à filer ?

– Grâce à mon père. C’est une histoire rocambolesque. Mon père était un grand mélomane. Il m’a souvent dit que si ses parents en avaient eu les moyens, il aurait aimé prendre des cours de piano. Comme ce n’était pas le cas, il avait appris à jouer du trombone à coulisse dans une fanfare. Un soir, il a assisté au concert donné par l’orchestre symphonique de Tbilissi. Son frère, concierge au Victoria hall, lui avait donné un billet gratuit. Ma mère y jouait comme soliste. Subjugué, mon père s’est précipité dans sa loge à la fin du concert pour la féliciter. Elle lui a chuchoté : « Je vous en prie, faites-moi sortir d’ici. » Il lui a répondu du tac au tac : « Feignez un malaise. » Puis il a crié qu’il allait chercher un médecin. Il est revenu avec son frère déguisé en docteur. Il a rapidement examiné la malade et a déclaré qu’il fallait l’emmener à l’hôpital. Il a demandé à mon père de l’aider à la brancarder. Pour semer la camériste de ma mère, qui la suivait comme un chien, mon oncle a éteint la lumière. Puis, pestant contre cette maudite panne d’électricité, il a guidé mes parents à travers les couloirs obscurs jusqu’à une porte de service et les a fait monter dans la camionnette de service du Victoria hall. Le temps que la camériste appelle du renfort, ils étaient loin. Il les a emmenés dans un hôtel de passe, où ils sont restés jusqu’au matin et où on a procuré à ma mère des habits ordinaires. Le lendemain, ils ont pris le premier train pour Neuchâtel. Quelques semaines plus tard, il la demandait en mariage.– Quelle histoire !

– La suite est moins romanesque. Ma mère avait totalement idéalisé la vie en Occident. Elle s’était imaginé un mélange entre la vie de château qu’elle menait chez ses parents et celle de star qu’elle avait connue à Tbilissi. La désillusion a été terrible. Mon père était fils d’ouvriers. Il avait pu entrer aux PTT et devenir facteur, ce qui représentait une position stable et une retraite assurées. Nous ne manquions de rien, mais nous vivions modestement. Peu de temps après ma naissance, la guerre a éclaté. Mon père a été mobilisé et ma mère a été obligée de travailler en usine pour nous nourrir. Pour une diva, tu imagines la déchéance !

– Cette période n’a été facile pour personne, même si, par rapport aux autres pays d’Europe, nous avons eu une chance immense.

– En économisant chaque sou, elle a réussi à s’acheter un nouveau violon. Il était moins bon que celui qu’elle avait dû vendre pour acheter du charbon et ne vaudrait jamais celui qu’elle avait dû abandonner dans sa fuite. Elle n’arrêtait pas de s’en plaindre. À la fin de la guerre, elle a voulu reprendre son métier de violoniste. Ça a été très dur pour elle. Elle n’a jamais retrouvé un travail qui lui donnait le statut de star qu’elle avait à Tbilissi. Cette grande déception professionnelle a eu des répercussions sur son humeur. J’ai eu une mère aigrie, qui râlait sans arrêt.

– On ne pouvait pourtant pas dire que nos autorités méprisaient la culture.

– Bien sûr que non, mais elle rêvait de Vienne ou de Paris. N’importe qui de moins ambitieux se serait contenté de la vie qu’elle a eue. Au début, elle jouait dans les bals, les mariages et donnait des cours de violon. Par la suite, elle a réussi à se faire engager au conservatoire et à décrocher quelques contrats avec des formations plus connues, comme l’orchestre de la Suisse romande et celui de la Tonhalle de Zurich. Malgré son arrogance, elle était très appréciée. Dès qu’elle touchait son instrument, elle devenait quelqu’un d’autre et ne faisait plus qu’un avec sa musique, même s’il s’agissait de chansons populaires qu’elle méprisait souverainement. Les gens me disaient : « Je n’ai jamais entendu quelqu’un jouer “Étoile des Neiges” comme ta mère ». Et elle rentrait à la maison excédée : « Ils m’ont demandé trois fois “Étoile des Neiges” ! Je n’en pouvais plus ! »

– Cette chanson, c’est toute ma jeunesse ! Ta mère avait peut-être aussi le mal du pays.

– difficile à dire. Elle parlait du Kertashan comme d’un pays arriéré et corrompu, où la condition de la femme était déplorable. L’organisation sociale était basée sur le clan, auquel chaque membre devait une loyauté absolue sous peine de mort.

– Charmant.

– Par contre, elle était intarissable sur la douceur du climat, la gentillesse des gens, leur sens de l’hospitalité et de la fête, qu’elle n’a jamais retrouvé dans l’austérité protestante.

– Elle te parlait souvent du pays ?

– Assez peu. Parfois, elle avait un accès de nostalgie, surtout en automne, quand nous croupissions dans le brouillard, un phénomène apparemment inconnu là-bas. Elle me disait : « En ce moment, le soleil donne des reflets de feu aux érables de la vallée de Kertamar, si tu savais comme c’est beau ! » Autrement, elle nous jouait parfois des airs kertashs et nous cuisinait de temps en temps des spécialités du pays.

– Elle avait gardé des contacts avec sa famille ?

– Oui, d’abord avec ses parents, en écrivant sous un faux nom pour ne pas leur attirer d’ennuis. Après leur décès, elle a continué à correspondre avec sa sœur cadette.

– Et toi, tu as encore des contacts là-bas ?

– Oui, avec ma cousine, la fille de cette sœur. Je lui envoie mes vœux à Nouvel an avec une boîte de chocolats et quelques nouvelles.

– Quelle est la situation politico-économique du Kertashan ? C’est un pays dont on n’entend jamais parler.

– C’est un pays pauvre, dont les jeunes cherchent à émigrer. Contrairement au gouvernement central, les clans ont toujours beaucoup de pouvoir et détournent à leur profit les maigres ressources de l’État, ce qui empêche la création d’infrastructures, routes, écoles, réseaux d’eau ou d’électricité et plombe le développement économique.

– Nous avons eu de la chance de naître ici.

___________________

Deux semaines plus tard, Joël m’envoyait quelques pages photocopiées du journal de sa mère. Je me mis immédiatement au travail.

 

Mardi 5 juillet 1938

Cher Carnet,

Désormais, tu es mon seul confident. Je n’ai plus ni famille, ni amis. Je quitte Djarbali, mon village, pour toujours. Je m’appelle Makala Iltaïr. Il paraît que je suis la plus belle fille de mon clan, mais ma beauté, c’est mon malheur. J’ai été désignée par les anciens pour m’unir au Maître des rêves, afin qu’il transmette son pouvoir de commander les rêves à son héritier. Je devrais me sentir honorée de ce choix, mais ce n’est pas le cas. Je ne veux pas devenir la femme du Maître des rêves. Il est vieux, il louche, il pue, il a le teint jaune et les doigts crochus. De plus, il est méchant. Plutôt mourir que l’épouser. D’ailleurs, j’ai pris un couteau pour me défendre contre les brigands et les bêtes sauvages. Si ceux de mon clan me rattrapent, je me tuerai. Mais ils ne m’auront pas. J’ai mon plan. Au lieu d’aller vers le nord chercher refuge à Lembo, un village habité par un clan ami du nôtre, je pars vers le sud où vivent nos ennemis héréditaires. Personne n’aura l’idée de me chercher dans cette direction.

 

 

Mercredi 6 juillet 1938

Cher Carnet,

J’ai marché toute la nuit. Je suis épuisée. Je suis arrivée en vue du col. Je le passerai la nuit prochaine. Je connais un sentier à travers les rochers, qui contourne le poste de garde. Cette semaine, c’est ce fainéant de Daglor qui surveille le chemin. En général, il dort au lieu de faire le guet. Je préfère tout de même l’éviter. De l’autre côté du col, j’entrerai en territoire ennemi. Notre clan et celui des Kadesh se disputent le contrôle du col de Kildish, qui permet de passer du nord au sud du pays. En ce moment, mon clan tient le col et perçoit un droit de passage. Les Kadesh meurent d’envie de le reprendre. J’ai mangé une galette, mais j’ai encore faim et je ne veux pas entamer les autres, car le chemin est encore long. Je me sens très seule. J’ai peur.

 

Jeudi 7 juillet 1938

Cher Carnet,

Daglor est décidément un bon à rien. En contournant le poste de garde, j’ai fait rouler un caillou qui a dû tomber tout près de sa cabane. Il n’a pas bougé. En fin d’après-midi, je suis arrivée à Kanjar, le village des Kadesh. Un homme armé gardait l’entrée du village. Il m’a réclamé deux cents toruns pour avoir utilisé le chemin qui descendait du col. J’ai pensé « deux cents toruns pour ce mauvais chemin, ces gens sont des escrocs ! » J’ai pris un air important, j’ai dit que j’avais un message pour Itann Kadesh et que les messagers n’avaient pas à payer un droit de passage. Il m’a demandé ce que je lui voulais. J’ai pris un air encore plus important et j’ai dit que je devais lui remettre mon message personnellement. En réalité, j’étais morte de peur. Le garde m’a conduite vers une maison, devant laquelle un jeune homme jouait de l’accordéon, assis sur un banc. Quand nous sommes arrivés, il a levé les yeux vers nous. J’ai tout de suite su que c’était lui. Il avait les yeux émeraude d’un Maître des rêves, mais à la place d’un affreux vieillard, j’avais devant moi un beau jeune homme avec des cheveux noirs bouclés et une fine moustache.

 

Je mordis mon stylo et regardai par la fenêtre. « Nom d’un chien ! Me dis-je. Et Jo qui se demandait d’où il tenait ses yeux si particuliers ! Voilà la réponse. Il n’est pas le fils de Paul Cordier, mais celui d’Itann Kadesh ! »

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