Mon réveil sonne, me vrillant les oreilles. Je le coupe sans ménagement et avec une lenteur délibérée, je m’étire dans ce petit lit une place. Il est tellement vieux que le moindre mouvement le fait grincer. Je jette un coup d’œil vers la fenêtre. Les rideaux sont tirés, mais la pièce est plongée dans le noir, sans la moindre clarté. Je pousse un soupir, mais je me lève tout de même. À tâtons, je cherche l’interrupteur, allume la lumière et mon premier réflexe est de regarder l’heure. Cinq heures du matin.

Je m’habille chaudement, enfile deux paires de chaussettes l’une sur l’autre et mes chaussures de marche (qui sont heureusement sèches), vérifie le contenu de mon sac à dos, y ajoute mon pique-nique et c’est parti !

Dans le B&B, il fait noir comme dans un four. Normal, tout le monde dort encore. Je descends les escaliers et, arrivée dans le hall, je remarque un petit paquet de céréales et un jus d’orange en berlingot posés sur la commode, avec un petit mot me souhaitant une belle journée. Touchée, j’embarque avec moi ce petit-déjeuner de fortune.

Je quitte le B&B, le vent glacial me fouette aussitôt le visage. J’avance dans la rue et m’éloigne petit à petit du village encore endormi. Au fur et à mesure de ma progression, le ciel qui était si sombre commence à s’éclaircir et j’entends autour de moi la faune s’éveiller doucement.

Je quitte la route et emprunte un petit chemin de terre. Un chemin, enfin… façon de parler. Celui-ci est au milieu de la lande, et les herbes sont juste aplaties, preuve que des gens y sont déjà passés. Alors que le soleil se fait de plus en plus présent, je lève les yeux vers Ben-y-Vrackie, la colline que je compte bien dompter aujourd’hui. Elle semble me mettre au défi, j’ai même l’impression qu’elle me fixe avec un sourire narquois. Ce n’est pourtant que de la roche, de l’herbe et de la tourbe, mais qui sait ce qui se cache en réalité là-dessous ?

Je me remets en route, avec une volonté farouche. Le soleil est maintenant levé et me réchauffe au fur et à mesure de mon avancée. Je dois regarder où je mets les pieds, car le semblant de chemin a finalement disparu. Autour de moi, je peux voir du coin de l’œil quelques faisans qui s’envolent, apeurés par ma présence. J’aperçois aussi des lapins et une multitude d’oiseaux aux couleurs différentes.

Soudain, un fort brame détourne mon attention. Je regarde alentour, le cœur battant la chamade. Un cerf ? Où est-il ? Le brame retentit à nouveau, avec encore plus de puissance. Mais je ne vois toujours rien. Il doit être loin. Impressionnant cet écho !

Alors que je me reconcentre sur ma marche, je sens mon pied s’enfoncer dans le sol, suivi par mon corps tout entier… Génial ! un trou. Heureusement, il n’est pas profond, le haut de mon torse reste au niveau de la terre. Mi-pestant, mi-riant, je m’en extirpe tant bien que mal puis repars.

Après quatre heures d’une marche effrénée, sans la moindre petite pause, j’atteins enfin mon but : le sommet ! Je laisse tomber mon sac à dos et m’installe sur une pierre, près du rebord. La vue est magnifique. Bien plus belle encore que ce que j’avais imaginé. Et au-dessus de moi, le ciel d’un bleu azur me prouve que la rumeur est fausse : il ne pleut pas tout le temps en Écosse, même au mois d’octobre.

Délicatement, je me saisis de mon sac à dos, l’ouvre, en ressors mon cahier de notes et mon stylo. Il est temps de m’y mettre. Il me faut écrire mon prochain roman, ici, dans mon petit coin de paradis, ma terre promise.